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Matisse au centre pompidou: le foisonnement d’une oeuvre heureuse

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Mosaïques de couleurs vives et chaudes, fines odalisques, fenêtres s’ouvrant sur le paysage: avec sa grande exposition “Matisse, comme un roman”, le Centre Pompidou crée l’un des évènements de l’automne culturel à Paris pour tenter de redonner le moral en ces temps de Covid-19.
À l’occasion du 150e anniversaire de la naissance de l’artiste, le musée national d’art moderne présente 230 oeuvres qui devaient être montrées en
mai, dont une centaine issue de ses collections. Mais l’épidémie avait obligé au report de l’exposition.
Parmi les prêteurs, les deux musées Matisse du Cateau-Cambrésis (nord) et de Nice (sud-est), et le musée de Grenoble (centre-est), qui a envoyé une oeuvre qui n’en bouge jamais: “L’Intérieur aux aubergines” (1911), extraordinaire
patchwork décoratif d’où toute profondeur est exclue.
“Tous les prêteurs nous sont restés fidèles. On a maintenu le convoiement des oeuvres en septembre”, s’est félicitée la commissaire Aurélie Verdier. Un parcours chronologique retrace cinq décennies de création d’Henri Matisse (1869-1954): des débuts des années 1890 dans les ateliers de William Bouguereau et Gustave Moreau à sa consécration comme l’un des maîtres de
l’avant-garde avec Picasso autour de 1906-08, et sa désignation, malgré lui, comme chef de file du fauvisme. Puis son retour au figuratif en 1918-19, période très aboutie où il modèle subtilement l’ombre et la lumière, jusqu’à la libération complète de la ligne et de la couleur avec ses fameuses gouaches découpées.
“Il n’y a pas un, mais des Matisse: ce qui le préoccupe, ce sont les moyens de la peinture, il va s’intéresser à ce que dit et ce que peut la peinture, le
motif représenté a, au fond, assez peu d’importance”, explique Aurélie Verdier.
“La quête de Matisse, souligne-t-elle, c’est l’union du dessin et de la couleur. Comment procéder pour résoudre le conflit entre dessin et peinture ?
Chaque décennie lui offrira sa lecture. A la fin de sa vie, les deux ne font plus qu’un: il dessine dans la couleur” en collant ses gouaches découpées aux
ciseaux.
Le remarquable Matisse sculpteur est bien représenté dans l’exposition, avec “Le Serf”, qui fait penser à Rodin, et ses massifs nus de dos en bronze. Qui était ce peintre assez solitaire ? “Une forme d’anxiété dans la création est masquée, souligne la commissaire, par une amition de faire un travail qui délasse, procure de la joie”. Certains artistes appelaient Matisse “le follement anxieux”.
“Et le travail est fondamental pour lui. Il est un peintre laborieux au sens positif. Le travail est une hygiène de vie”. Parallèlement à l’exposition, est publié aux éditions du Chêne un guide subtil donnant les clés pour bien comprendre Matisse en 40 notices: l’historienne de l’art Hayley Edwards-Dujardin y cite Louis Aragon: “l’optimisme de Matisse, c’est le cadeau qu’il fait à notre monde malade”. Elle décrit l’artiste à la fin de sa vie, collant ses gouaches découpées: “Lui qui a toujours recherché l’expression la plus pure de la couleur, il y est arrivé. De la simplicité va naître un nouveau vocabulaire que même son meilleur ennemi de toujours, Picasso, enviera”. Avec Matisse et une vaste palette d’offres engagées – comme l’actuelle exposition “Global(e) Resistance”, qui propose une lecture critique de l’actualité par des artistes -, le Centre Pompidou maintient coûte que coûte
une programmation abondante cet automne et l’an prochain. La fréquentation était en septembre le tiers de celle des temps ordinaires, et les pertes de recettes pour 2020 tournent déjà autour de 20 millions d’euros. “La profusion des offres est notre choix. Nous avons refusé de nous engager dans une spirale de la récession. Les coupes dans les programmes entraîneraient des coupes des recettes de billetterie et de mécénat, qui entraîneraient moins de programmation”, a fait valoir auprès de l’AFP Serge Lasvignes, président du musée.
“Il faut le dire clairement: le soutien de l’Etat nous oblige. Pour 2021, une subvention exceptionnelle de 8,5 millions d’euros nous permet de programmer,
d’investir dans l’avenir”, a-t-il salué.