“De couleur et d’encre”, l’exposition au musée Marc Chagall de Nice, dans le
sud-est de la France, retrace avec une série de documents inédits, gravures et lithographies notamment, la collaboration foisonnante du peintre avec ces revues d’art dont le 20e siècle a été l’âge d’or.
Outil privilégié des avant-gardes pour se faire connaître ou des galeristes
pour faire leur promotion, ces revues au tirage variable et à la durée de vie
parfois très courte ont connu un développement considérable à partir de 1910 en Europe, et le peintre Marc Chagall (1887-1985) n’a jamais cessé d’y
contribuer.
L’exposition, ouverte au public jusqu’au 11 janvier, fait notamment surgir pour la première fois un ensemble de textes, chroniques d’actualité ou poèmes publiés sous la plume de Chagall dans la première revue littéraire yiddish d’Israël “Di Goldene Keyt” ainsi que la couverture d’un numéro réalisée par l’artiste.
“L’exposition explore la singularité de chacune de ces aventures humaines,
éditoriales et engagées”, explique, dans une présentation de l’exposition, la
conservatrice Anne Dopffer, directrice des musées nationaux du XXe siècle des
Alpes-Maritimes (sud-est). “C’est un thème inédit, tout le monde connaît
Chagall, mais au mieux comme peintre et illustrateur”.
On découvre ainsi son talent d’enlumineur pour des revues yiddish du tournant des années 1920 et son retour passionné à la lithographie à partir de 1950, quand il commence à travailler pour “Derrière le miroir”, la revue du célèbre galeriste Aimé Maeght, où il compose de magnifiques planches en couleur dans une ambiance de travail qui l’enchante avec les ouvriers chromistes. En 1943, en pleine Seconde guerre mondiale, Chagall est en exil aux Etats-Unis. Loin de Paris, il broie du noir et dessine une tour Eiffel qui pleure pour le N.3 de la revue surréaliste VVV dont seuls 4 numéros paraîtront à New York.
L’exposition connaît un prolongement inattendu dans l’une des salles de la
collection permanente du musée: l’installation sonore “Song for Debbie” de
l’artiste contemporaine Violaine Lochu plonge le visiteur dans un étourdissant tête à tête avec les flamboyants tableaux inspirés du poème biblique du Cantique des Cantiques.
Le fond rouge semble littéralement vibrer et les figures s’animer comme pour se détacher de leurs cadres, à mesure que résonne dans la pièce cette voix féminine faite de murmures et d’envolées lyriques, diffusée à rebours de la tradition juive orthodoxe qui interdit les voix de femmes dans l’espace public.